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Ma vérité sur le CETA, réponse à Patrick Cohen de C à Vous et à Samuel Laurent du Monde

Ma vérité sur le CETA, réponse à Patrick Cohen de C à Vous et à Samuel Laurent du Monde

Le 9 mars 2019

Mercredi 6 mars, sur le plateau de CàVous (France 5), j’ai refusé de cautionner une énième séance de propagande organisée pour décrédibiliser toute opposition franche à la politique d’Emmanuel Macron. Des milliers de Français ont soutenu mon choix de dénoncer ce guet-apens. Je tiens à les remercier du fond du cœur.

Je tiens aussi à contester formellement les manipulations grotesques qui tentent de faire croire que j’appelle à « la haine des journalistes ». J’ai toujours défendu l’indépendance des journalistes qui font sérieusement leur travail, travail abimé par une minorité de chroniqueurs qui se croit tout permis. C’est d’ailleurs la même chose pour les hommes politiques ! Je ne me sens pas solidaire des méfaits de M. Cahuzac, bien au contraire… Or, M. Cohen est au journalisme ce que M. Cahuzac est à la politique !

Néanmoins, au-delà de la polémique, je veux expliquer clairement ce qui a été dit, en particulier les raisons de mon opposition au CETA face aux manipulations de Patrick Cohen.

Sur la forme, la scénarisation choisie par les animateurs de CàVous avait pour seul but, non pas de me laisser m’exprimer avec impartialité, mais de relayer les attaques de nos adversaires politiques contre Debout la France. Il faut savoir que j’étais invité via mon éditeur pour présenter mon nouveau livre « Résistance ».

Or, j’ai compris dès l’introduction scandaleuse réalisée par Anne-Elizabeth Lemoine que la présentation du livre était passée à la trappe et qu’il s’agissait uniquement de descendre Debout la France sur la base d’informations bidon. Ainsi Mme Lemoine décrivait une situation catastrophique pour notre liste aux élections européennes. Catastrophique ? Tous les sondages nous donnent en hausse par rapport à la Présidentielle de 2017 pendant que Les Républicains et La France insoumise perdent entre un tiers et la moitié de leur force électorale !

Mme Lemoine pensait que j’allais m’assoir gentiment après son sermon mensonger sans dire un mot et répondre directement à la 1ère question de Patrick Cohen. C’est mal me connaitre !

Vint ensuite l’interview elle-même. Patrick Cohen m’a immédiatement demandé comment je pouvais être en désaccord avec les objectifs européens de la lettre de M. Macron ! Le ton était posé et le piège bien mis en place ! Il fallait forcément être d’accord avec le Président de la République ! Hélas pour l’équipe de CàVous je commence à avoir suffisamment d’expérience pour ne plus accepter les manœuvres de ce genre.

Je décidais donc de démontrer l’incohérence entre les paroles d’Emmanuel Macron, qui prétend protéger les Européens, et ses actes puisqu’il avait décidé d’appliquer le CETA, traité de libre-échange sauvage avec le Canada. Visiblement furieux que je ne coopère pas avec son scénario inquisiteur, M. Cohen a commencé à raconter n’importe quoi.

1) Oui, Emmanuel Macron a trahi sa promesse de modifier le CETA

Pendant l’entre-deux tours de la campagne présidentielle de 2017, M. Macron avait promis de modifier le CETA si un comité d’experts indépendants estimait que ce traité était contraire à ses engagements sur l’environnement. Or, ce comité a rendu son rapport le 8 septembre 2017 dénonçant un texte contraire aux engagements écologiques et sanitaires d’E. Macron.

M. Cohen a prétendu que la promesse présidentielle ne se limitait qu’à une évaluation. Il a reçu hier le soutien opportun d’un article de Samuel Laurent du Monde, qui oublie de préciser qu’il est lui-même chroniqueur sur CàVous. Cet article lamentable prétend que je « maitriserais mal » mon sujet sur le CETA. Quelle blague. Evidemment, M. Laurent n’a pas pris la peine de contacter DLF avant de propager ses histoires.

Vous trouverez donc ici le discours qu’Emmanuel Macron a prononcé le 1er mai 2017, selon la dépêche de l’agence Reuters. Le discours est aussi en ligne sur le site d’EnMarche.

« E. Macron a promis de nommer une commission d’experts et de scientifiques indépendants “pour dire ce qu’il en est exactement des conséquences environnementales, sur la santé, de cet accord (...). Je recevrai trois mois après mon élection, ces conséquences et j’en tirerai toutes les conclusions”. Il s’est engagé à revenir vers les partenaires européens de la France pour “faire modifier ce texte” en fonction des conclusions de cette commission. »

Ainsi, contrairement à ce qu’affirment M. Cohen et M. Laurent, E. Macron s’est bien engagé à modifier le CETA s’il contrevenait aux conclusions des experts. Evidemment, cette promesse était mensongère dès 2017 comme je le dénonçais mais on n’entendait pas alors M. Cohen ni M. Laurent le dire, trop occupés à faire gagner E. Macron.

2) Oui, le CETA facilite l’importation de produits dangereux.

Le comité d’experts sur le CETA n’a pas seulement indiqué que le traité était nocif pour l’environnement mais pour la santé des Français ! Ainsi le texte est, je cite, « muet sur les questions du bien-être animal, de l'alimentation animale (farines animales ou non ?), et de l'administration d'antibiotiques comme activateurs de croissance ». Le rapport recommande aussi de renforcer les contrôles sur l’importation de viande pour éviter l’arrivée de viande élevée avec des hormones de croissance. Le rapport demande également qu’une mission de contrôle soit envoyée au Canada pour vérifier qu’aucune viande contaminée ne soit exportée… ce qui n’était donc pas fait ! En effet, c’est une chose de l’interdire en théorie, encore faut-il le faire en pratique !

Dans le feu du débat, j’ai sans doute commis un abus de langage en parlant des hormones de croissance. En revanche, les producteurs canadiens qui utilisent les antibiotiques pour favoriser la croissance de leur bête peuvent bel et bien exporter plus facilement leur production en Europe grâce au CETA. Par ailleurs, je rappelle que l’Union Européenne a déjà toutes les peines du monde à surveiller et à garantir le respect des normes sur notre continent : viande de cheval roumaine vendue comme du bœuf, viande avariée polonaise, abattoirs français mal contrôlés… Comment l’UE pourrait-elle mieux surveiller les filières au-delà de l’Atlantique ? L’incapacité des libre-échangistes à surveiller REELLEMENT la qualité des marchandises mondialisées est au cœur de ma critique des traités.

Pire encore, la journaliste Virginie Garin de RTL a fait état du bilan des 42 produits toxiques interdits en Europe comme l’Atrazine mais aussi l’autorisation du colza OGM ou des saumons OGM dont aucun contrôle ne peut prévenir l’importation.

Alors oui, j’aurais dû dire « antibiotique jouant le rôle d’hormones de croissance » pour être plus précis, mais que dire de la précision des « facts checkers » en carton que sont M. Cohen et M. Laurent qui oublient les antibiotiques, les 42 produits toxiques et les OGM ? Sans parler de la souffrance animale terrible infligée par les usines à viande canadiennes bien éloignées de l’élevage paysan français.

Ce sont d’ailleurs ces méthodes d’élevage scandaleuses qui permettent aux éleveurs canadiens de produire une viande moins chère que les Français malgré les frais de transport. A ce titre, je remarque que le journal Le Monde, qui a contacté la filière Interbev, confirme mes chiffres sur l’écart de prix de la viande de bœuf dont je parlais et contestés par M. Cohen. Les pièces nobles exportées par le Canada, comme l’aloyau, affichent un ordre de prix au kilo de 8.6€ pour le Canada et 13.7€ pour la France, soit 36% d’écart pour cet exemple donné par Le Monde.

3) Je n’ai pas contesté les chiffres des douanes mais l’interprétation de P. Cohen.

Cependant, cette propagande n’est rien face à la mauvaise foi à son comble à propos de ma pseudo-contestation des chiffres de la douane. Je veux être extrêmement précis sur le déroulé de l’échange que tout le monde peut réécouter. Le voici :

P. Cohen : « Quel est le premier bilan de ce CETA pour l’agriculture française ? »

N. Dupont-Aignan : « Très mauvais, très mauvais… »

P. Cohen (coupant la parole) : « Il est excellent ! »

N. Dupont-Aignan (reprenant la parole) : « Très mauvais, un agriculteur se suicide tous les deux jours, tous les quotas de viande… »

P. Cohen (coupant à nouveau la parole) : « …Il a enrichi la filière du lait… »

N. Dupont-Aignan (reprenant la parole) : « …mais c’est complétement faux ! »

P. Patrick Cohen : « Les producteurs de fruits et de noix ont augmenté leurs exportations de 29%... »

N. Dupont Aignan : « Je sais que vous êtes le porte-parole d’Emmanuel Macron. »

Plus loin dans l’échange, Patrick Cohen parle d’une hausse des échanges agricoles européens de 11% avec le Canada, ce à quoi je réponds « propagande ».

Le suivi précis de l’échange montre clairement que je n’ai jamais nié les chiffres des douanes, ce qui serait complètement ridicule, mais le bilan « excellent » sur le CETA puis « l’enrichissement de la filière du lait » qu’en tirait M. Cohen.

D’ailleurs, quand M. Cohen me demande ensuite si je parle de propagande concernant les chiffres officiels des douanes, je lui réponds « non, VOUS concernant ».

Les chiffres que me demande M. Cohen n’ont strictement aucun sens. D’une part parce que je ne suis pas venu, contrairement à lui, avec mes fiches sur le CETA puisque nous devions parler de mon livre, mais surtout parce que ce serait les mêmes chiffres ! C’est l’interprétation de ces chiffres qui diverge pour interpréter les effets du CETA !

C’est pour cette raison que je parle dans l’interview des problèmes et des inquiétudes de la filière bovine, qui sont au cœur du CETA, et absolument pas les « noix » et les « fruits ».

M. Cohen s’est accroché comme une moule à son rocher dans la tempête qu’il traversait à ses chiffres des douanes qui, selon lui, indiquaient par magie que le bilan du CETA était « excellent ». A aucun moment les douanes françaises n’ont porté un tel jugement. Pire encore, je me suis intéressé aux chiffres des douanes suite à l’émission. J’ai découvert que l’escroquerie de P. Cohen était totale.

Ainsi le commerce entre la France et le Canada est en croissance continue depuis au moins 2009. En 2010, 2011 et 2015, avant le CETA, la hausse était même supérieure à la première année d’application du CETA dont M. Cohen est si fier ! A l’aune de ces chiffres, on pourrait donc dire que le CETA a ralenti la croissance du commerce franco-canadien, ce qui serait tout aussi ridicule que l’argumentation manipulatrice de M. Cohen. On peut faire dire tout et son contraire aux chiffres !

Les chiffres magiques de M. Cohen viennent essentiellement, selon le Monde, du rapport de la Commission Européenne. La hausse des exportations de fruits et de noix est bien de 29% pour l’ensemble de l’Europe et absolument pas de la France. Je me moque complètement que les autres pays européens vendent plus de noix ou de pommes au Canada. Ce que je veux c’est que les agriculteurs français vivent enfin de leur travail !

M. Cohen a-t-il prouvé que les revenus des producteurs de fruits et de noix français s’étaient améliorés grâce au CETA ? Non.

A-t-il montré que le CETA bénéficiait aux revenus de toute l’agriculture française ? Non.

Quant à la filière lait qui, selon M. Cohen, « se serait enrichie » grâce au CETA, le fait que les entreprises agroalimentaires françaises exportent plus de lait ne signifie nullement que les revenus des éleveurs laitiers se soient améliorés ! Bien au contraire l’augmentation systématique de la production de lait depuis la fin des quotas laitiers n’a fait que maintenir bien trop bas le prix d’achat du lait aux éleveurs ! Depuis 2000, le nombre d’exploitations a été divisé par deux et la production a légèrement augmenté ! Les éleveurs français produisent donc deux fois plus pour un prix toujours aussi faible et ne s’en sortent pas !

Et c’est avec de tels arguments que les experts Samuel Laurent et Patrick Cohen donnent des leçons ! Au contraire, produire plus de lait à perte aggrave la situation des éleveurs laitiers. Bref, M. Cohen fait bien de la propagande et absolument pas un travail de journaliste.

Comment les filières laitières françaises pourraient-elles d’ailleurs s’enrichir sur la durée alors que 75% des AOP, en particulier les fromages, ne sont pas protégées ? Les producteurs qui ont la chance d’être défendus verront sans doute leurs revenus augmenter mais les 75% restants, abandonnés, seront copiés par des produits canadiens au rabais ! Je ne conçois pas l’enrichissement d’une filière comme M. Cohen !

Enfin, les détracteurs du CETA savent très bien que les flux commerciaux transatlantiques augmenteront… C’est même pour cette raison que nous y sommes opposés ! SI le CETA ne servait à rien, nous ne perdrions pas notre énergie à le combattre. C’est absolument ridicule !

Si nous sommes opposés au CETA, toutes tendances politiques confondues en dehors de M. Macron et de M. Cohen, c’est parce que nous pensons que la mondialisation des productions agricoles est négative pour tous.

Pour un développement durable, pour renforcer la sécurité et la traçabilité alimentaires, pour que les agriculteurs disposent de revenus justes et que les consommateurs bénéficient de produits de qualité à des prix abordables, nous défendons des filières courtes et de proximité à l’échelle régionale. J’affirme qu’exporter de la viande ou des fromages dans des cargos réfrigérés n’est pas durable et ne profite pas à l’intérêt général mais aux seules multinationales agroalimentaires.

La mondialisation de l’agriculture a créé une concurrence déloyale et une industrialisation des productions qui ruinent nos paysans. Ces derniers sont soumis à une pression financière insoutenable. Que pèse un producteur indépendant face aux multinationales, aux négociateurs, aux financiers qui le volent de son travail et exposent la santé des consommateurs ?

Pour toutes ces raisons, je suis très fier d’avoir tenu tête à Patrick Cohen et de l’avoir renvoyé à ses études. Quant au dossier CETA, je pense le maitriser assez pour défendre les intérêts des Français bien mieux qu’Emmanuel Macron ou son porte-parole Patrick Cohen.


Nicolas Dupont-Aignan
Président de Debout La France
Député de l’Essonne